Atelier Buissonnier

Porte des Maures

Illustration du "quatre pour quatre" première semaine par Alhazen

Le temps efface tout 

 

De vous cette ultime dent qui s'érode et s'ennoie
Comme les vieux os de vos orgueilleux sommets
Éparpillés, émiettés, rabotés par l’écume rageuse
D’une mer évanescente que connurent de patients éons
Vous voilà, sombres Maures ridées, réduites en grains épars
Roulant des sables scintillant de silice et de mica
Combien est lente votre agonie ! Si lointaine fut votre naissance !
Le temps efface tout, même votre devenir.

 


De vous ces pierres dressées au milieu des bois
Comme des veilleurs en prière sur un aride sommet
Éparpillés, émiettés, calcinés parmi cette allée silencieuse
Cette cohorte de défunts dont vous assuriez la patiente protection
Vous voilà, sombres silhouettes, sans voix, sans chant, sans regard
Roulant la dernière pierre pour confisquer les trépas
Combien est bruyant votre mutisme ! Si sibylline est votre présence !
Le temps efface tout, même votre devenir.

 

De vous ces ruines retrouvées où s’égrène l’histoire des rois
Comme les derniers vestiges d’une civilisation à son sommet
Éparpillés, émiettés, ébréchés parmi ces allées silencieuses
Cette touchante présence d’outils, de vaisselles, de débris à profusion
Vous voilà, fière cité oubliée, prudemment déblayée avec égard
Roulant charretées d’argile de gravats qui en assuraient le cercueil
Combien fut florissant votre règne ! Ne reste de lui que ces pauvres murs en déshérence
Le temps efface tout, même votre devenir.

 

De vous ce raccourci temporel où l’on entend « il était une fois »
Comme les Maures à l’ultime horizon essayant un modeste sommet
Éparpillés, émiettés, enfouis ces passés dans une mer d’oubli silencieuse
Cette perspective du temps qui rapproche passé et présent en une même collision
Vous voilà, très antique Porquerolles et cette jetée du présent dans un même regard
Roulant entre vous, les vagues d’une si longue histoire qui en enfouissent les écueils
Combien rouillent nos ambitions de puissance ! Ne restera de nous, même pas une absence
Le temps efface tout, même votre devenir.

 

 


Publié le : Samedi 23 octobre 2021 @ 11:32:23

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