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On lui disait Jean des collines

vendredi 13 décembre 2019 @ 13:06:49

Sujet : Texte en relation avec une narration ou une nouvelle

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En remontant le chemin caillouteux qui menait vers un vieux mas provençal, de loin, on  pouvait l’apercevoir, assis sur une pierre de meule renversée, tel, le penseur de Rodin, le poing fermé sur son menton anguleux.

Ce qui surprenait, c’etait le ton basané de son visage.

Il faisait penser à la couleur des sacs de cuir, que les élégantes arboraient, les dimanches à la messe de onze heures.

D’où venait-il, ce Jean des collines? Nul ne le savait, ou personne n’osait aborder le sujet.

Lorsqu'on s’aventurait à demander son âge, il plissait les yeux, et invariablement répondait, "tu n’étais pas né !"

Ce qu’on savait, c’est qu'il entretenait, cette culture étagée, nous, on leur dit : des restanques.

Invariablement, il remettait en place, les pierres, que les pluies torrentielles d’été, dérangeaient.

En regardant ses mains, on pouvait voir ses veines bleues et saillantes, à elles seules elles contaient une vie d’âpre labeur.

Encore, à son âge, il montait au plus haut de la restanque, il avait attelé une jeune jument, que le vieux Grégoire d’en bas lui prêtait gracieusement.

Il piquait le soc, dans la terre encore meuble, de la dernière pluie, et hue disait-il à Vagabonde, qui s’arrachait avec force et plaisir, trop heureuse de dégourdir ses pattes.

Jean prenait toujours soin de contourner les racines des oliviers centenaires.

Il avait un respect profond pour ces vieillards chenus, il leur parlait caressant leur écorce rugueuse, on ne sait s’il nouait un dialogue, c’etait un mystère.

 



Il avait fait un beau potager, où les carottes côtoyaient les poireaux et les pommes de terre.

Pendant la période de disette , certaines mauvaises langues prétendaient qu’il aurait planté du tabac.

Il en faisait profiter le vieux Grégoire d’en bas, tous deux étant déjà trop vieux pour être rappelés sous les drapeaux.

Mon récit débute dans un mas provençal, qu’on lui avait loué pour cent sous, et c’est là qu’il faisait sécher ses plants de tabac.

Jean était venu dans cette Provence de mer et de collines, mais jamais il n’avait vécu au bord de la grande bleue.

Quel mauvais souvenir le tenait éloigné de la côte, il était pourtant un homme libre, alors, pourquoi ne pas répondre à l’appel du poète : ( homme libre toujours tu chériras la mer ).

Le jour de la saint Jean, le vieux Grégoire d’en bas, montait vers le mas pour récupérer Vagabonde, sa jument.

 

De loin, il commençait à apercevoir Jean, et plus il approchait, plus l’attitude de son compère lui semblait curieuse.

Eh! Jean , réponds moi, tu vas prendre un coup de chaud, tête nue, sous le Soleil.

Mais Jean ne répondrait plus, la mort l’avait saisi, là, pendant que les cigales, indifférentes au drame donnaient de leurs cymbales à qui mieux mieux mieux.

La nouvelle parvint au gens des collines, le vent d’été miséricordieux avait propagé la triste information..

On le fit passer à l’église, qui , dérision suprême, faisait face à la mer, jetait un regard plein sud, sur l’ile verte , et en fouillant très loin ,voyait les falaises de Cassis.

Alnsi vécut Jean des collines.

Sur son épitaphe, on pouvait lire: c’était une belle personne.

 

 




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