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 parc

Marche d’approche.

Nous marchions.
Depuis des heures, des jours ?
On ne savait plus dire exactement
Le temps s’étirait le long de la piste sans fin
Gluant comme l’air que nous devions couper
Dans son immobilité suffocante.

La souplesse des silhouettes de dunes
Que nous longions rappelaient des courbes féminines,
Elles saupoudraient leur crête d’une poussière dorée
Soulevée par un mince filet d’air,
Seul mouvement dans ce monde figé
Avec nous qui progressions dans l’erg surchauffé.

Je marchais, à mes côtés le jeune Ahmed qui trottinait,
Irremplaçable, fidèle, attentif aux signes.
Enfermé dans mes pensées.
Je me sentais chez moi dans ce monde austère,
Il m’acceptait et se gravait en moi avec la magnificence
De sa dureté et de sa vérité, il n’admettait pas la médiocrité des êtres.

Dans ce jardin de dunes ondoyantes
Où le chemin n’est jamais tracé,
Il vous montre celui de votre vie.
Il est plein de vous-même.



Bâton de marche sur les épaules, mes mains s’y accrochaient,
Je balançai à chaque pas, enfermé dans mon chech protecteur,
Pour rattraper et poursuivre mon rêve .

Je la voyai !
Dans sa luxuriance et son miracle de verdure
Improbable émeraude sertie de vermeil
L’oasis était là et m’accueillait, moi, le voyageur du désert.
Offrande d’eau fraîche qui chante dans les chadoufs,
Ombre reposante des palmiers dattiers qui se peignent dans le vent,
Le thé brûlant dans les petits verres,
La senteur poivrée de la menthe,
Les galettes de mil trempées dans le jus de viande.

 Mon dromadaire me poussa le dos
Gentiment, d’un coup de son museau.
Il me fit sortir de mes songes
La route serait encore longue.

Il avait la blancheur du sable.
On aurait pu le croire hautain, son regard haut perché
Il était ma vie, mon confident muet.
J’évitais parfois de le monter pour préserver  ses forces
Le soir, la nuit glaciale venue, il partait légèrement entravé
En petits pas qui le mettaient sur la route des étoiles et des plantes succulentes,
Qu’il  découvrait entre les rocs éclatés.

Et puis au petit matin, après une marche prudente,
On se retrouvait, il faisait entendre un râle profond et ondulant
Rituel à chaque changement d’attitude.
Il savait que la route devait continuer.
  J’étais imprégné de son odeur que je ne sentais plus.
Homme et bête alliés sur un même chemin, pour un même destin.

Je savais ses pas derrière moi.
Un léger frottement, un effleurement du sable où ses pieds s’étalaient largement,
Délicatement presque avec élégance.
Je voyais sa marche prudente dans l’apparence mais c’était une marche au long cours
Nous franchissions oueds, dunes et sentes rocailleuses où nous délogions les scorpions.

Sans crainte
Ahmed lisait les signes des cairns qui disaient le chemin
Vers l’oasis espérée où le puits retrouvé.
Devant peut-être la dernière dune.
Notre marche déboucha dans le lit d’un oued où perduraient quelques touffes vertes d’Alwat, le chou du désert et des bouquets roses de Tenasmint au goût d’oseille, signalant que l’eau n’était pas loin où était tombée il y a quelques temps.
Des crottes de chèvre parsemaient le sable blanc comme de petites olives.
J’en écrasai quelques unes dans mes doigts . Leur structure me parut molle et elles présentaient un centre bien foncé. Elles étaient là depuis ce matin.
Ahmed me regarda, un grand sourire éclaira son regard.

« Campement ».

La marche avait été longue.
On décida la halte, les dromadaires trouveraient leur bonheur en longeant l’oued à sec.
Pour l’heure il fallait installer notre campement et on fit descendre les dromadaires dans un concert  désordonné d’inclinaisons de tête, de bascules arrière et on remplit le silence car tous se mirent à blatérer en cœur.
Il fallait trouver le campement pour marchander le repas du soir.
Nous suivrons la trace des crottes.
Avant de suivre leur piste, il fallait se désaltérer. La guerba descendue montrait une panse de chèvre bien plate et ne perla qu’une goutte qui hésita un instant puis elle inscrivit une trace d’humidité que le sable se pressa d’absorber.
Ahmed creusa le sol avec une écuelle de métal, enlevant par grosses poignées ce sable omniprésent.
Après quelques minutes d’effort on atteignit une couche de fins graviers et il dégagea une petite cuvette puis on attendit.
Lentement on vit sourdre un filet d’eau qui finit par remplir la cuvette, il faut être patient, le désert à le temps pour lui.
Nous échangeâmes l’écuelle maintenant remplie d’une eau argileuse qui nous déshydrata.
On pouvait se lancer à la recherche du campement voisin et l’on partit alors que le soleil déclinait.