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Pitié pour une barbare !



Les moments festifs avaient l'avantage de rassembler toute une population d'extraction fort diverse autour d'un même événement.
Récupérés pour être mieux aseptisés puis sacralisés, ils donnèrent des fêtes canoniques qui rythmaient l'année.
Ils avaient l'avantage de faire resurgir l'exemplarité des valeurs humaines, qu'il était bon de toujours vivifier, au travers de la vie de personnages béatifiés pour l'exemple par une église condescendante.

Ces festivités gardent une forte empreinte patrimoniale tant dans le déroulement du protocole que dans la tenue vestimentaire et la gestuelle, symboles qui perdurent comme des fossiles d'un temps oublié colorés à la patine de chaque région de notre si beau pays.



Smile nous contait sa Saint Eloi en pays de Roubaix où l'on partageait pain, vin et bonne chère au cours de rassemblements policés où le respect mutuel impréganit le protocole.
Par petits groupes ils arrivaient, dans notre maison, rue de Lorraine ,aprés la messe de dix heures. .....
C'est à l'ouvrier le plus jeune que revenait l'honneur d'offrir le cadeau ; toujours un objet en cuivre, un pot ou une casserole.

L'église, disons la messe plutôt, le jeunot, le cadeau, le travail du métal: voici les constantes.
On les retrouvera partout.
Je ne parle pas du repas, c'est la politesse en France que tout se termine autour de la table.
Fête d'un début Décembre là, fête d'un début d'été chez nous !
Là la date marquait l'anniversaire de la disparition terrestre  du Saint, chez nous c'était plutôt le retour de son bras, relique d'un temps où le roi mettait sa culotte à l'envers !
Trois orfèvres à la Saint Eloi !
Je ne dirai pas la suite mais chacun l'a en tête !
Alors ce brave saint sera un patron très apprécié par tous les plieurs et vendeurs de métal, de l'orfèvre au laboureur en passant par les maréchaux-ferrant, les muletiers, les forgerons, et chez nous en Provence on finit par le cheval, généralement de labour, car il porte des fers et tire la charue au soc tranchant !
C'est à l'ouvrier le plus jeune que revenait l'honneur d'offrir le cadeau ; toujours un objet en cuivre, un pot ou une casserole.

Chez nous la Saint Eloi était prétexte à course de chevaux dans des terrains caillouteux ou terriblement meubles pour rendre la chose plus piquante. On ganissait les carioles, les carreto ramado, que l'on lançait parfois à toute vitesse dans les rues en pente des villages.
Le saint défilait sur une carreto ramado parmi les rues et la population assemblée.
Mais on voyait certains portant bâtons munis de bottes de paille à l'extrêmité vernir au passage toucher le visage du saint homme statufié !
Ils partaient ensuite avec leur remède pour l'année qui éloigenrait les mouches et les taons de leurs mulets, les rendant plus dociles et aptes à la tâche.

On pétaradait et on enfumait l'air sur les places à coups de tromblons servis par la soldatesque vêtue de blanc et de noir, portant noeud papillon et chapeau haut de forme s'il vous plait !
Et pus la messe, incontournable, où toute cette troupe entrait capitaine sabre au clair mais encitronné, le fier agrume étant piqué au vif au bout de la pointe.
La statue du saint recevait le salut d'un signe de croix qui zébrait la nef d'un éclat métallique.
Chacun son tour, jusqu'au dernier, le plus jeune !
Lui donnait à la fin le cadeau au brave curé en une passe arrondie de son épée, élagante  et rapide, où l'officiant se devait de récupérer au passage le citron fiché sur sa pointe !
Dehors le tambourainairo soulignait les cris qui appelaient à surenchérir pour gagner le gaiardet,
Qui le veut, qui l'aura ?
On donne,on donne encore pout cette bride de cheval pomponné et lançant mille éclats de ses miroirs tournant dans le soleil. L' emportera le futur capitaine.
C'est au bravadier le plus jeune que revenait l'honneur d'offrir le cadeau ; toujours un agrume offert au bout de l'épée.
L'église, disons la messe plutôt, le jeunot, le cadeau, le travail du métal: voici les constantes.
Parfois on entendait dans les paisibles demeures des cris et des bruits de vaisselles, des pluies de couverts qui ruissellaient sur les tomettes, des menaces de louches à soupe et de jets de casserole: c'est un ménage qui fait "Sant Eloi" !

Mais aujourd'hui 4 Décembre est un jour important en Provence.
Hier nous sommes allés en famille choisir l'arbre qui nous tiendrait compagnie jusqu'à la chandeleur.
Autrefois je suivais mon père dans des dédales de fourrés pour aller chercher le pin qui était à notre goût dans les collines proches. Il dégageait des senteurs d'épines et  de résine quand on le ramenait à la maison fièrement arboré !
Aujoud'hui on achète des arbres en sachets, sapins décapités par milliers sur des cultures intensives.
On en vit un coincé dans son filet qui avait l'air triste d'être ignoré des passants. On l'emmena, on lui ferait la fête !
Ce moment de l'avent est chargé d'émotion et ce serait pêcher que d'installer le sapin sans que mes filles n'interviennent!
Je les laissai donc opérer.
Elles savent où trouver les guirlandes emballées, les boules étincelantes et saupoudrées d'un blanc manteau, les pères Noël dans leur livrée Coca Cola prêt à l'assaut des cheminées sur des échelles de cordage et puis là, la petire bougie dans sa cage qui, allumée, rappelera par sa flamme le souvenir de ceux qui nous manquent et qui seront dans nos pensées.
Surtout ne pas éteindre la flamme.
Elles trient, désembrouillent les perruques de guirlandes électriques, classent, choisissent.
Elles parent l'arbre de couleurs, jaugent de loin, démontent pour mieux remonter et juger de l'effet. S'en satisfont et accrochent mille boules.
Enfin notre sapin est tout fier de présenter sa parure de roi, prêt pour la photographie rituelle qui ira sur la toile voyager à la vitesse de la lumière, vent d'électrons libres, apportant le message de Noël aux parents et amis éloignés.
Reste le plus important, la crèche !
Tout son brave petit peuple s'est réfugié dans une boite emmailloté dans un douillet coton.
Les santons attendaient pour se remettre en route vers l'enfant Jésus! ! Ils ont leur âge, ce ne sont pas des santibelli non ils sont d'argile cuite et peinte à la main.
La poissonière s'était faite décapitée par un bouchon de champagne réfléchi par un plafond où il avait inscrit son empreinte. Depuis on la gardait au chaud, elle nous faisait la tête !
On ne mettait jamais de curé en chapeau noir dans la crêche, il n'existait pas à l'époque.
Cécilia, ma deuxième fille, qui avait bon coeur toute jeune,  voulait toujours mettre "le bébé ente le papa et la maman".
Il fallait lui dire qu'il arriverait seulement à minuit le 25 Décembre !
Quand à lui expliquer d'où il allait venir, on faisait intervenir le miracle de la crèche qui réglait souvent les problèmes.
Tu peux mettre le berger et les moutons et les rapprocher chaque jour un peu, et tu vois celui avec les bras écartés !
C'est le ravi, il est un peu simplet mais il est tellement heureux de la fête qui se prépare !
Tu vois la vieille femme qui porte du bois sur son dos ! Elle va l'offrir pour réchauffer le petit quand il sera là.
Ca c'est la bohémienne, elle dit l'avenir et il sera royal !
Ah non ! Ceux là il sont en route et viennent de très loin, tu ne peux pas les mettre encore !
Alors on mettait Gaspard, Melchior et Baltazar sur un meuble à distance
Avec leur dromadaire, chargé de présents.
Quelques anges aux ailes de plumes accrochés aux branches, bouffareu qui souffle le mistral qui emporte les notes tu tambourinairo. Le pêcheur sur le pont qui a perdu sa poissonnière, la cascade de papoer d'aluminium qui se jette dans le lac miroir. Le décor est planté sur un papier imitation rocher qui embaume la mousse des ruisseaux d'eau claire des collines. On peut rêver et raconter des histoires de Noël en écoutant des chants de Pologne qui vous bercent le coeur.

Mais aujourd'hui c'est le jour du blé, le jour de Sainte Barbe.
On doit le mettre dans trois petites assiettes, avec du coton imbibé. On sème les graines avec précaution et on suivra l'évolution. Il faut entretenir, mettre à la lumière quand il faut. Il doit être bien vert jusqu'à Noël !
Quand le blé vient bien, tout vient bien ! Et si le blé ne meurt alors l'homme non plus !
Desséché il éloigne la foudre !
Il fallait bien que l'on retrouve sa trace dans ce geste de Noël, ce feu de Dieu qui punit les êmes peu chaleureuses ;
On se souvient alors de cette jeune fille enfermée par un père voyageur dans une tour à deux fenêtres.
Une troisème elle percera en offrande à une prompte convesion à une chrétienté balbutiante, sainte trinité !
Répudiée, accusée, fuyant puis reprise, on voulut qu'elle renie sa trinité pour de plus sages idoles !
On donna la torture en frictions de peignes de métal coupant, en coups de marteau sur la tête, en brûlures de torches,
on voulut qu'elle paraisse nue dans les rues de la cité ! Mais rien n'y fit et de tout elle guérit !
Alors au père on la remit et bourreau il devint.
Son sabre levée pour une fille décapitée ! (je pensai à ma poissonnière !)
Il lui coupa la tête mais reçut une foudre qui l'emporta !
Ses condisciples chrétiens apeurés vinrent récupérer la dépouille, ils demandèrent "la dépouille de la jeune barbare" et n'éveillèrent pas de soupçon.
Pitié pour cette barbare décapitée.
Elle devint Sainte Barbe et patronne des métiers exposés !

Ce sont tous ces petits bouts d'histoire qui font la magie de Noël dans nos yeux d'enfants !
Et que nous retransmettons à la nouvelle génération, pour qu'il perdure dans sa robe de songes.

Alhazen