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 parc

Un temps de chien.

 

Temps d’automne, temps de chien !

Madame avait fait sortir Fifi qui vadrouillait de ci-de-là dans la pelouse fraîchement tondue.

Moi, on m’avait relégué à la garde de l’entrée, au milieu d’un petit massif où s’étaient endormis les bulbes de l’année. Je trônai au milieu, car il m’avait repeint de neuf.

Il, je dis il, car le travail d’esthéticien des nains était confié à Pierrot, l’homme de la maison.

-Pierrot fait attention à Fifi, il ne faut pas qu’elle aille à la route !

-Non, elle est avec moi.

Il continuait à ramasser les feuilles en ratissant la pelouse, les allées, les massifs de fleurs qu’il venait de tailler.



-Pierrot fais attention que Fifi ne se mouille pas les pattes ! Je dois partir avec elle tantôt, et je ne veux pas qu’elle salisse ma voiture.

-Oui, oui. Je l’essuierai….

 Fifi était en train de repérer la piste d’un lombric et forait la terre à la recherche de  l’annélide promptement disparu. Son museau et ses pattes brunissaient à vue d’œil. Il faut vous dire que Fifi faisait partie des chiens bouclés, shampouinés, parfumés et qu’elle avait un manteau blanc immaculé que l’on entretenait avec de multiples visites chez le toiletteur. Un bout de laine pas plus haut qu’un gros chat qui furetait partout.

Elle portait deux petits nœuds roses, mais cela changeait selon l’humeur du moment, et une clochette pour le cas où elle se perdrait !

Quant à moi ils avaient choisi de me faire enfiler un manteau rouge pétant retenu par une grosse ceinture marron à boucle dorée. On me refaisait la barbe blanc neuf chaque automne à cause des pots d’échappement disait-elle !  Pour les intempéries on m’avait coiffé d’un bonnet marron et je devais entretenir le massif au printemps d’où l’utilité que je portasse une pelle de jardinier pour l’usage !

Mais suprême service annuel, je devais arborer une sale gueule et froncer les sourcils pour dissuader les visiteurs de pénétrer dans ce havre parfait où l’ordre devait régner !

On avait mis à mes côtés un panneau lumineux avec l’inscription « Attention. Chien Méchant . Maître Féroce.».

Cela devait être efficace car je n’ai  jamais vu quiconque pénétrer sur le chemin, ni homme, ni femme, ni  enfant ! D’ailleurs Madame n’en voulait pas car elle faisait carrière et cela donnait des vergetures et faisait tomber la poitrine.

Et des jours merveilleux s’écoulaient dans cette maison qui était devenue un paradis pour un chien, ou plutôt une chienne.

Ah tiens la voilà qui vient me renifler ! Dire que je suis planté là et que je ne peux pas bouger !

-Va t’en ! Ouste ! Je vais te donner un coup de pelle !

Et voilà comme tous les jours ! Fifi avait levé la patte et signé son territoire sur ma figure !

Heureusement là-haut ils avaient commandé de la pluie pour demain, 14 Décembre !

 Ding ! Ding ! Ding ! Elle repartit vers d’autres chasses aux habitants du sous-sol. Ouf !

Toc, toc, toc.  Madame marchait dans la maison. Elle était toujours en talons hauts et on l’entendait de loin !

-Pierrot amène moi Fifi que je lui mette son manteau !

Pierrot quitta son râteau et courut derrière Fifi qui voulait jouer. Elle s’arrêtait après une course folle, museau pointé vers la terre regardant le pauvre Pierrot qui arrivait à toucher, puis hop la voilà repartie ventre à terre.  L’autre derrière. Au bout de cinq minutes il la coinça contre une jarre et put l’attraper, elle grogna et voulut le mordre !

Il sortit un mouchoir de papier et lui essuya le bout  des pattes et le museau. Puis il la fit entrer.

Quelques minutes après Madame s’exclamait.

-Mais tu es sale, vilaine fille ! On ne peut pas faire confiance à ton papa ! Maman va t’emmener à la toilette vilaine fifille ! Oh que tu aimes les mamours !

-Pierrot !

- Oui !

 Il ratissait.

-Je vais chez mon coiffeur et j’en profiterai pour aller à la toilette de Fifi. Je déjeunerai  en ville. Tu te débrouilleras car la domestique n’est pas là pour la cuisine !

Toc,toc,toc.

-Oui ça ira ! Pas de souci !

Il ramasse les feuilles. Il a la figure des jours qui traînent leur ennui.

-Pendant que je prépare Fifi, sors la voiture !

Toc,toc, toc.

Il sortit la Citroën de madame, une voiture de collection, une DS avec une épaisse couverture rose  à l’arrière, la banquette à Fifi. Puis il retourna au ramassage des feuilles, qu’il piquait maintenant une à une. Les dernières à désunir l’homogénéité des pelouses. Son passe-temps depuis qu’il tirait sa retraite, non ton temps de pension, comme disait Madame qui trouvait que retraite lui donnait des rides qu’elle entretenait avec des crèmes Loréal.

Madame fit sa sortie. Toc, toc, toc. Elle avait mis des bottes à haut talon, elle aimait être perchée et dominer son petit monde. Fifi  portait un petit manteau rose et des bottines blanches fourrées et un gros nœud rose sur la tête. Elle refaisait la toilette du visage de Madame qui la portait dans ses bras.

-Allez vilaine fille. Arrête de faire la folle !

Ding, ding, ding.

-Sage, la fifille à Maman va se promener.

Ces dames s’engouffrèrent dans la DS qui sortit en souplesse du portail de la propriété.

 Un jour comme les autres pour un nain de massif. Mais en ce 13 Décembre, Sainte Lucie allait apporter sa petite lumière et des choses curieuses allaient se tramer dans le quartier tranquille !