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Flashback...

 

L'air était vif, le givre crissait sous les doigts gourds qui dépliaient la couverture.
La nuit avait été glaciale.
La tasse de café chaud tenue entre les deux mains, comme un trésor offert, me réchauffa les mains.
Debout près du feu qui crépitait j’attendais le lever du soleil dont les rayons rampaient timidement allongeant les ombres matinales du relief.

La lumière du matin a cette limpidité caractéristique du désert. On ne retrouve nulle part cette pureté virginale qui, dans le petit matin, époussette en légers mouchetages les aspérités du sol , faisant découvrir ici un caillou suspendu entre sable et air, là la trajectoire en lacets de la vipère, plus loin le bouquet rose d'oseille qui a échappé à l'appétit nocturne des dromadaires.
Là-bas encore sous le massif des djinns la surface rugueuse d’un sol sableux montre de multiples veinules, vestiges des timides ruissellements lors des pluies avares.
Je ne ma lasse pas d'empiler des images mémoire de ces moments bénis entre rêve et réalité, fragiles comme les cristaux de glace pure qui rencontreront bientôt la lumière du soleil, eux aussi joueront un instant dans le foisonnement des reflets irisés puis s'effaceront devant l'irruption brutale de la lumière crue de l'astre levé.
D'autres font leur café et leurs tartines, oubliant le tableau qui se joue devant eux l'espace d'un instant. Un instant de poésie dans un espace d’éternité.
Un contact, un frôlement, on se pelotonne contre moi.
Je sors de ma  contemplation.
Laure est debout, vite accourue, elle se presse contre moi.
Je lui ouvre ma couverture, elle s'engouffre.
« Ouah ! ça caille ! Bonjour ! »
Elle grelotte puis prend son café.
« Bonjour ! Bien dormi ! Il fera beau, l’air est pur » dis-je !
Arrive ma deuxième gazelle, Juliette, couverte de pied en cap par sa couverture et jouant à cloche pied dans son sac de couchage.
« Il fait trop froid, c’est ça le désert ? »
Juliette est dynamique , visage souvent soucieux encadré de mèches châtain. Elle cultive une image dégradée d’elle-même, se sentant trop gourde pour discuter, trop terre à terre pour rêver, trop moche pour être regardée, trop grosse pour marcher vite.  Je l’observe, elle fait des progrès depuis le départ , elle ne le sait pas !
« Tu as une belle mine ce matin. Le coup de soleil te va bien ! »
Elle me sourit sous sa couverture .
« Fous-toi de moi de bon matin ! ». Laure rit.
Laure, mon autre gazelle !
Un corps souple et gracieux, très féline, plus petite que Juliette, son visage est radieux sous une chevelure brune aux mèches souples, elle est bien dans sa peau. Ses yeux cajoleurs, très sombres au point de s’y perdre, me lancent souvent des regards ravageurs depuis le départ.
Toutes  deux dorment à mes côtés chaque nuit, Laure chaque nuit plus proche se pelotonne.
A côté de Juliette, Bernard vient ensuite. Trois mousquetaires du désert !
D’ailleurs le voilà qui s’approche sous sa couverture traînant les godasses délacées.
« Coucou, tout le monde ! On a vu des ovnis cette nuit ! »
« Allez ! Tu as rêvé ! »
« Non, demandez à Jean Michel, il vous dira ! »
Les deux gazelles me regardent interrogatives.
Encore raconter, comme au début ! C’est peut-être pour cela qu’elles restent avec moi !
Comme en feed-back me reviennent les images de cette arrivée au désert.

Alger la blanche dans un glissement d’ailes vers l’aéroport.
L’empilement dans le bus de la ville, piaillements, odeurs de gasoil et de transpiration, effluves de  cumin et puis ce crissement de vieille suspension dans les chaos de la route.
La chambre sobre et partagée dans un hôtel quelconque, Bernard y logera aussi, rencontre. La colle prend rapidement entre-nous.
« Ah tu es du désert ! Tu connais déjà ! Moi je découvre ! »
« Pas le Hoggar, j’y entre pour la première fois. »
« Tu dis entre ? »
« Oui on est invité au désert ! Il faut se faire accepter, après tu seras bien ! Tu verras !»
« Je note ! Je note ! »
Nos pas dans la casba, si  blanche mêmes aux heures cruelles de l’histoire qui  nous reviennent en mémoire.
La petite ruelle aux escaliers qui s’agrippent à la pente, les enfants qui nous prennent par la main, sourires et rires.
Invitation, on entre par l’obscure ouverture d’une porte, salutations, joie de nous accueillir !
« Mais oui Monte ! Monte sur la terrasse ! Vas voir ! »
Là-haut la femme qui  étend son linge, oriflammes de draps battant au vent marin déclinant leurs couleurs pastel sur les toits, à perte de vue, dans la blancheur de la ville qui va mourir là-bas dans la gomme bleue de la mer.
Mer que l’on cherche et retrouve après avoir parcouru les longues avenues aux hauts palmiers sous les arches de pierre.
La mosquée si blanche dans la lumière du couchant et le port qui bruisse de mille fritures dans les restaurants où s’attablent  tous ces gens qui déboulent.
Nous deux, à la recherche de calme, petite échoppe où n’éclaire qu’une faible ampoule poussiéreuse.
Une table pour nous, une autre occupée.
Couscous poisson, thé.
Rapidement ingurgité sous les regards curieux des deux  habitués qui ne comprennent pas ce que viennent chercher ces deux touristes dans ce troquet retiré.
Puis le flash de cette nuit d’hôtel.
Terrible pour lui, entre vomissements et diarrhées, nuit blanche dans Alger la blanche !
« Tu te vaccines à l’Afrique . »
« Oh ! Vacherie ».
Quelques médicaments de ma boite à trésor apaiseront ses crises digestives.
Notre vol vers le Hoggar.
Le grand erg qui défile, moi qui repense à la Mauritanie alors que s’égrènent les dunes ridées au vent de l’oubli.
L’irruption de la roche, érections bistres  à violacées qui perforent la toile du sable, le Hoggar se profile enfin.
Tamanrasset nous accueille, je me sens bien, je respire à plein poumon l’air du désert.
Je me sens à la maison .
Bernard parcourt avec moi les rues mordorées au sable fin, bordées de ces architectures d’argile rousse où les acacias épineux et les palmiers accrochent quelques touches de vert.
Plénitude des sens, je parle de Cinghetti la rousse à la douce palmeraie, des dunes de sable à la couleur de flamme que la main caresse le soir dans la lumière du couchant, du thé sous la vaste tente.
On s’imprègne.
La rue marchande, un goudron qui lutte contre les trous et le sable. Je lui montre les échoppes où le bleu anti-mouche contraste avec  les empilements de conserve, confitures, boites de thé, pain de sucre et verroterie. Tout un déballage de denrées venues de France et d’ailleurs.
Le réparateur qui découpe des lanières de caoutchouc dans de vieux pneus pour redonner vie à une vilaine blessure qui balafre une roue.
Ici les sacs de semoule qui attendent le verre verseur pour l’unité à vendre. Quelques rares bananes, passées d’âge, côtoient les branches de dattes séchées, merveille du désert.
Là les étoffes et tissus jetées en vrac, des piles de blanc, noir et bleu.
On y vend des cheichs.
« Prend un cheich, blanc ou bleu ! Evite le bleu touareg, le plus sombre ! Sauf si tu veux te colorer en bleu ! » Ce sera du blanc.
Marchandage.
« Quelle longueur tu veux Monsieur ! »
Bernard me regarde !
« Demande cinq bras. »
Le vendeur mesure au bras et coupe le tissu. Il obtiendra un bon prix !
« Et toi monsieur ! Tu veux aussi ! »
« Merci mais j’ai le mien depuis des années, il vient de Mauritanie. »
« Tu es mauritanien ! J’ai un cousin là-bas ! Viens boire le thé !»
Et on boira le thé en parlant de Nouadhibou, du poisson, du cousin, de la vie au désert, et la nuit arriva.

Souvenir d’un matelas dans une hutte de palmes, d’un sommeil d’ange et d’un réveil alors que les dromadaires baratent quelque part là-bas sur le sable. On nous attend.
Toilette rapide à la bouilloire à thé.
Mettre une chemise ample, un pantalon souple, mon cheich bien serré et mes amies les chaussures qui ont vécu de nombreuses marches entre regs et dunes.
Bernard me suit, je lui apprends le cheich, il comprend vite.
En route.
C’est là que l’on se découvre, tout un groupe, disparate, un peu figé dans des habitudes citadines.
Certains cherchent leur dentifrice, d’autres vérifient leur mallette pour produits de beauté, on entend des recommandations pour javeliser l’eau des gourdes par l’un, le danger des scorpions par l’autre.
Ils apprendront. Du moins je l’espère.
Je repère d’entrée la  pépite ! Celle qui contraste, qui jure par son éclat !
« Look ! » dis-je à Bernard.
Une jeune femme, bien en chair, un short rouge et un chemisier rose, sandales de cuir, arborait un grand chapeau de paille qui dégoulinait de sa tête ombrageant un visage agréable où ses yeux se cachaient derrière de larges Ray Ban.
On se comprit sans un mot.
Nous allâmes voir les dromadaires, ils râlaient comme toujours.
On chargeait matelas, couvertures, bois, sacs de victuailles, bouteilles de gaz, bouteilles d’eau.
Je repérai rapidement les guerbas en peau de bouc, le canoun et le service à thé.
Mélange de culture.
Ahmed me souriait. On salua, on parla. Il m’adopta et ne lâcha plus.

Monsieur Chapeau Brousse arriva et se dirigea vers nous deux.
Pourquoi moi ? Je ne sais pas ! Peut-être cette lenteur dans la marche qui effleure le sable, cette économie dans le geste et la parole, le fait que je sois avec les dromadaires enfermé dans mon cheich, ou cette brume de rêve dans les yeux comme ceux qui contractent l’amour du désert et qui savent domestiquer la saharite qui guette à chaque instant.
Chez moi elle incubait depuis des années sans souffrance, je savais ma dureté lorsqu’on apportait le médiocre dans ce lieu et combien il m’avait été difficile de retrouver la civilisation qui me privait de cet espace qui me manquait. Je l’avais domestiquée.
« Tu seras chef de méharée ! » me dit le chapeau brousse !
Cela n’admettait pas de réponse.
S’en suivit la rencontre avec le chef touareg.
Un grand personnage de bleu vêtu, d’où émanait une prestance qui forçait le respect. Il portait toute une culture qu’il voulait partager.
J’enlevai mes lunettes de soleil.
Je captai ses yeux brillants de fierté et d’amitié au dessus du voile qui cachait le bas de son visage.
On me présenta, de chef à chef.
Je le saluai la main sur le cœur.
« Je te remercie en mon nom et pour tous ceux du groupe. Nous sommes très honorés de suivre la route que tu vas tracer et très heureux de découvrir ton magnifique  pays. »
Il me tendit la main qui je pris entre les miennes longuement.
« Je te remercie, je suis fier de partir avec toi sur la route, inch’allah ! »
Après avoir pris des nouvelles du cuisinier, des dromadaires, de sa famille qui vivait plus loin dans l’Assekrem, je pris congé pour être présenté au groupe.
Ce fut bref.
Chapeau Brousse s’exprima sèchement.
« Jean Michel est le chef de la méharée. Il est le seul reconnu par le chef touareg. Il s’occupera de tout problème au bivouac et gèrera l’intendance. Vous passerez donc par lui pour des demandes. Bonne route. »
C’est là que mes gazelles sont apparues !
Elles avaient souvent des demandes gentilles sur la confiture ou le menu du jour !

Le départ approchait. Le soleil de 10 heures était déjà haut.
J’informai le groupe.
« On va partir, souvent il faudra marcher à pied. On va faire un bout sur les dromadaires au départ.
Couvrez-vous, vous boirez moins ! »
Je n’oubliai pas ma pâquerette du désert et j’allai la voir gentiment et je lui glissai quelques mots.
« Attention il faudrait vous couvrir bras et jambes. Pour le visage n’oubliez pas la réverbération ! »
Ray Ban sous son ombrelle me répondit :
« J’ai l’habitude, j’étais secrétaire à l’Ambassade d’Abidjan alors je connais ! »
En phase de saharite j’aurais pu exploser mais j’étais devenu philosophe !
« Bien, bonne route ! »
Elle apprendra.
Et le signal du départ fut donné.
Je montrai l’exemple en m’installant sur la selle, tenant les poils à l’arrière de la bosse pour anticiper le basculement. Mon dromadaire se redressa en râlant.
Cette fois je retrouvai le désert ;  haut perché je suivis le mouvement de l’ensemble. Pas d’accident ce matin.
Et la méharée tissa sa file. Certains pensaient monter un cheval.
Je montrai à Bernard qu’il fallait croiser ses pieds, jambes allongées vers  le cou de sa monture et lui imprimer le rythme en appuyant avec le pied au contact.

Et le calme et la lenteur du temps me pénétra à nouveau, cela faisait si longtemps !
Je ne découvrais pas, je redécouvrais cette sensation unique que vous envoie cet espace immense.
S’il vous accepte vous comprendrez qu’il est plein de vous-même et qu’il vous irrigue entièrement.
Vous ne ferez plus qu’un avec lui ! Il vous renverra l’image de ce que vous valez en tant qu’homme.
Symbiose, communion cela vous ne l’oublierez plus, parfois jusqu’à la douleur lorsque vous le quitterez.
Mais il faut du temps, du respect et du temps.
Il faut accepter l’allongement des heures, les douleurs et les fatigues, découvrir la variété dans la monotonie des paysages, goûter cette solitude qui fait fleurir l’espace du rêve et du spirituel, comprendre que la parole ne sied pas à la marche dans le désert car sa voix, la sienne, la seule,  est la plus forte, parlant directement à votre âme.
Certains ne le supportent pas, ils sont atteints d’une saharite aigue qui les rend violents et ingérables. Ils devront s’éliminer avant que le désert ne le fasse. Ils ne se supportent pas !
J’aurai quelques crises à gérer.

Et les heures passèrent, la méharée fila son train entre quelques traces d’épineux vers la barre volcanique à l’horizon où quelques necks dénudés osaient dire leur érection brutale il y a quelques millions d’années avant que le temps n’efface les versants du volcan oublié.
Promenade dans l’espace, promenade dans le temps, du haut de ma monture j’étais au balcon de la création de ce qui était devenu ce pays de l’Ahaggar mythique.

Le bivouac se fit avant les premières montées, profitant de la présence de quelques épineux pourvoyeurs de brindilles.
Je remarquai dans la lumière dorée de la fin de journée que ma pâquerette avait teint de homard cuit et un nez rubicond ; elle se sentait bien chaude. On payait cash au désert.
J’accordai un temps de réflexion qui permit de dégager le contenu d’un menu du soir car la faim avait galopé plus vite que nous !
« Evitons de trop consommer au départ, sinon à la fin vous n’aurez rien pour supporter la fatigue. »
Il est curieux de voir comment le repas cristallise toutes les crises dans le désert.
Mais les choses se mettent en place lentement. Il ne faut pas s’en inquiéter.
On n’entend plus parler de repas équilibré après deux jours ! On n’a plus de question relative au lavage de la vaisselle après un jour ! On ne se lave plus sauf peut-être les dents le soir !
« Ne vous dispersez pas pour dormir et essayez d’avoir des voisins pas trop loin. »
Je me souvenais d’un bivouac des sables en Mauritanie avec ce gentil couple parti pour roucouler une nuit de plaisir à distance du campement.
Pas loin une centaine de mètres !
Et puis dans la nuit des cris angoissés, le campement réveillé, eux paniqués et perdus dans la nuit à vouloir retrouver le camp où le feu était éteint.
Le soir avançait.
Au loin une lumière s’éclaira, immobile dans la falaise noire.
« JoJo, là-bas » me dit Ahmed.
On pouvait aller voir la grotte, il reçoit.
Après le thé traditionnel et les salutations, je décidai de faire un bout de chemin vers ce JoJo !
Bernard fut de la partie.
On avait capturé les deux gazelles qui s’installèrent près de nous pour le couchage. Mais marcher des kilomètres pour JoJo, un autre jour peut-être !

Marche rapide, sans un mot, balançant sur mon bâton de marche en équilibre sur les épaules.
Des cailloux bruns  semés sur le sol, à perte de vue,  dessinaient leur silhouette dans l’obscurité qui gagnait.
Enfin la piste, sable et latérite mêlés, la marche se fit plus onctueuse et nous remontâmes la côte approchant de ce phare du désert !
C’était bien une grotte, silencieuse et désertée. On cherchait le JoJo troglodyte !
Il apparut de derrière une tenture. Personnage jovial, djellaba blanche, babouches blanches, pas très grand il compensait par un léger embonpoint.
Après les salutations d’usage, il sut que nous étions français !
« Vous venez de France ? Ah je connais bien ! J’ai travaillé là-bas ! »
« Tu veux manger, viens, entre. »
Le tu signifie vous dans la plupart des cas, un singulier pluriel !
Il nous ouvrit la tenture et on entra dans la caverne d’Ali Baba jonchée de tapis colorés, de services de cuivre rutilants, d’oreillers richement ornés.
« Assieds-toi ! »
Et on parla, et il parla beaucoup.
De Marseille, de Grenoble tu connais Grenoble, j’ai fait la cuisine là-bas, de Paris bien sûr je connais bien !
Il nous montra sa piscine d’eau minérale gazeuse naturelle avec fierté.
« Maintenant tu manges, je fais la cuisine, cassoulet, choucroute ? Comme tu veux ! »
Surréalisme des lieux. On n’osa contrarier le cassoulet ! Et cassoulet nous eûmes !
Et le thé pour finir.
Pas tout à fait !
«  Whisky je donne ! Attends »
Il sortit un bon vieux Chivas et ouvrit le flacon qui était rempli.
« Tu sers ! Tu sers ! Voilà c’est bien. »
« Pour moi ? Ah, tu prends le péché ? Alors ça va si tu prends le péché. »
Et l’on but du Chivas de 12 ans dans une grotte au seuil du désert du Hoggar. Baptème !
« Mauritanie ! Tu viens de Mauritanie ! Aie, grand désert là-bas très mauvais ! »
On parla du sahara espagnol  et la nuit s’étira.
Puis les militaires arrivèrent, deux en Land Rover.
Accueil chaleureux, présentation, salutations.
« Lui il vient de Mauritanie, aie, il connaît. »
On parla Polisario, surveillance des frontières, difficulté de la vie en Algérie.
« Il prend le péché, tenez buvez ! » 
On servit d’autres rasades de Chivas à la santé de tous.
J’avais pris un tombereau de péchés et il fallait rentrer au campement.
Ils nous raccompagnèrent au bord de la piste en voiture et retournèrent à la grotte.
On enjamba le plateau arrière puis la nuit nous enveloppa. Nous n’avions pas froid.
Là-bas au loin le feu du bivouac.
On fila droit dessus, les étoiles dans le ciel dessinaient leurs histoires.
Je repérai la brillante AlkaÎd, la meneuse de la Grande Ourse, et je vis que le campement s’alignait avec la Polaire de  la petite Ourse, le clou du ciel.
On rejoignit sans encombre le bivouac qui s’endormait, Laure et Juliette attendaient et vinrent nous accueillir.
C’est alors que je sus que le désert avait pris mes péchés.
« Je n’ai plus ma sacoche avec mes papiers, mon billet de retour et mon argent ! »
Laure, Bernard et Juliette me regardaient incrédules !
« Non ! »
« Tu l’a laissée à la grotte ! »
« Non elle avait une anse passée dans la ceinture ! J’ai dû la déchirer en descendant de la voiture ! »
« Tu fais quoi ! » me dit Bernard.
« Je repars d’où je viens. Demain à l’aube je referai  la route. »
Les deux gazelles ne comprenaient pas que je puisse repartir dans la nuit ! J’étais un sans papier au milieu de nulle part ! Comment tu vas faire !
Et je repartis dans la nuit, Bernard avec moi, fidèle.
Et on retrouva JoJo !
« Tu retrouveras, inch’allah, je te dis. »
Et on passa  la nuit sur les tapis avec les militaires, dans la grotte à eau minérale, après avoir bu force Chivas en pays musulman. Intronisation.

Le matin se leva timidement, l’aube naissante signala le lever tout militaire de la chambrée.
On salua et on partit de suite.
Les militaires proposèrent de nous ramener.
On monta à bord jusqu’à chercher le bord de piste.
De là je dis au chauffeur de prendre la direction du Nord au compas, la direction de la Polaire.
Et la voiture roula le compas figé sur le Nord.
A faible vitesse on passa multitude de gros galets bruns, tout comme ma sacoche !
Je regardai à gauche et à droite, rien, toujours rien !
Et puis je la vis entre deux gros blocs marron, à trois mètres de notre route.
« Là ! »
On s’arrêta, je descendis rapidement et récupérai mon identité !
« Toi alors ! T’as du bol ! » me dit Bernard.
On regagna le campement réveillé et rassemblé devant cette arrivée motorisée.
Je remerciai et la Land Rover disparut rapidement.
Le groupe me regardait incrédule et inquiet !
« Bonjour tout le monde ! Le désert et les étoiles me l’ont rendue ! ». Je montrai la sacoche.
Le Hoggar venait de m’accepter. Je ne boirai plus de Chivas au désert, il faut prendre trop de péchés !

Depuis ce jour Laure ne me quitta plus, Juliette la suivit et Bernard ferma le rang.

 

Je sentis que l’on tirait le pan de la couverture.
« Eh ! Tu rêves ! Les Ovnis c’était quoi ? »
On reprit un café et assis sur nos matelas,  je racontai la nuit des étoiles à Laure et Juliette qui buvaient mes paroles.
« Vous auriez dû venir nous chercher ! On n’a pas vu ! »
« Il faut se préparer. On va devoir marcher ! »
Les gheltas nous attendaient.