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 parc

14 Juillet 1939.

 

Tôt levé comme tous les roubaisiens ce matin ,le soleil est au mieux de sa forme.
Préparées pour les jours de fête les tenues estivales sortent des placards pour la kermesse du 14 juillet 1939.

 A Roubaix les cygnes du parc Barbieux groupés près de la grotte cherchent l'ombre des chênes et des bouleaux ou la fraîcheur de la cascade.
La fanfare joue dans le kiosque à musique couvrant la ritournelle du manège voisin . Les gamins impatients de monter sur les chevaux de bois attendent en se bousculant.
Suivi par son cousin Julien, venu de Belgique à vélo, Jules met pied à terre, pose les deux byciclettes contre un arbre et les attache ensemble à l'aide d'une chaîne fermée  par un cadenas.
    - Quelle chaleur ! Regarde Julot j'ai les cheveux tout mouillés !
     - Moi je n'ai qu'une légère chemise, mais mon pantalon de golf resserré aux chevilles me tient chaud !
    - Avec la casquette assortie...tu es toujours très élégant. C'est pour plaire aux filles ?
    -  Exactement, vois comme elles sont belles... Je les veux toutes !
D'un même pas ils s'approchent de  la buvette où se presse un rassemblement coloré.
     - Tiens admire la brune assise sur le muret...Quelle belle poitrine.
      - Et tout à côté la grande blonde... sa bouche charnue me...
Mais des cris dérangent leur conversation...
     - Oh  my God ! Charly !!!
Une jeune fille agite son foulard :
     - Help, please !
  Les compères se précipitent, Jules arrive le premier sur le bord de la berge et repêche sans difficulté un blondinet dégoulinant de vase.
  Le saisissant par les bras il le dépose aux pieds de la demoiselle énervée. Plutôt petite malgré ses chaussures aux talons compensés. Une fleur rouge ferme le col d'un léger chemisier rose rayé de blanc, serré par une ceinture du même rouge dans une jolie jupe de coton brodée de pivoines. Le chapeau de paille déséquilibré laisse échapper l'épaisse chevelure fauve.
  Les yeux verts mouillés de reconnaissance se détachent des abondantes taches de rousseur.
      - Thank you, monsieur, j'ai eu si peur...My brother, pardon...je veux dire...mon frère, a glissé !
A chacune de ses paroles la lèvre supérieure se relève en forme de coeur. Jules entend à peine les explications baragouinées dans un mélange d'anglais et de français .
  Agrippée à sa jupe un petite brunette ne comprend rien.
      - Voici ma soeur Denise, elle a eleven...je veux dire onze ans ..
     - Je m'appelle Jules et voici  mon cousin Julien , laissez moi vous dire que vous avez un accent trés joli, de quel pays venez vous ?
     - Je reviens d' Amérique, de Philadelphie, précisément. Mon frère Charles et ma soeur Denise sont nés là bas...Mes parents sont français, j'avais un an quand nous avons quitté la France.
C'est Julien qui interrompt le flot de paroles en retirant un morceau de nénuphar coincé derrrière l'oreille du rescapé !
     - Regardez le petit , on dirait qu'il a froid !
  Effectivement le gosse secoué par des tremblements tient ses bras femés sur sa poitrine.
   - Comes Charly !  Excuse me, mesieurs nous allons partir.
     -Prenez cette écharpe je peux m'en passer dit Julien en retirant l'étoffe de son cou pour entourer celui du gamin.
Jules vexé de ne pas y avoir pensé le premier sort de l'envoutement dans lequel le tenait ce petit bout de femme.
     -Au revoir...Quel est votre nom ? Où habitez vous ?
D'un pas précipité la petite famille prend le chemin du retour, Jules les poursuit pour obtenir les réponses.
   - J'habite à Lys les Lannoy, prés du vélodrome, je suis Paule...Encore merci...
Emerveillé Jules contemple la jeune fille qui s'éloigne...Et répète doucement : Paule...elle s'appelle Paule....tu l'as bien entendu Julien ?
    - Allez viens la fête n'est pas finie, ce soir au bal tu en verras encore des filles.
     - Aucune ne sera aussi belle...aussi rousse...et ses jambes... dis tu as vu ses jambes ?