ADRIEN.
Avril 1849.
-Dis Adrin c'est encore loin ?
-Eh ! m'fille te s'rais pas un peu pressée d'arriver dans not' maison d'amoureux ?
-Si ben sur ! mais y'a aussi c'te carriole qui saute toudit sur c'mauvais ch'min, j'ai l'coeur à la renverse.
-Tantôt te vois le moulin en pierres, c'ui qu'est sur l'route de Courtrai, not chaumière y est aussi.
Catherine admire cet homme robuste tirant la carriole. Le soleil de septembre brille sur son crâne buriné par les travaux aux champs et la couronne de cheveux entourant la tête semble encore plus blanche.
Il se retourne, des rides sympathiques sillonnent ses joues et dans un sourire la moustache s'étire au dessus des lèvres épaisses roses et brillantes.
Il a soixante sept ans et "enlève" sa jeune,tranquille et douce nièce. Depuis toujours il rêve de confier sa vie à ce petit bout de femme.
Elle a vingt sept ans. Son nez crochu est un piège tendu à la beauté de son visage; ses grands yeux verts relèvent le défi, tandis que le teint pâle et la tignasse rousse, longue et frisée contribuent à la séduction qu'elle excerce innocemment sur son amoureux.
Tous deux sont journaliers, ils se louent suivant le travail de la saison , la récolte du lin puis la moisson et enfin l'arrachage des betteraves.
Catherine est domestique en "extra" quand Madame la Comtesse reçoit ses amis.
Sur la charrette la grosse horloge au pendulier de cuivre et quelques draps de lin blanc épais sont les seuls biens hérités de sa mère. La charge n'est pas bien lourde.
Voulant être discrets ils s'installent loin du coeur de Warcoing, dans une petite maison de briques où l'aubépine mène le jardin jusque l'Escaut en répandant cette odeur qui attire tellement les abeilles.
Leur alliance est illégitime. ils se passent de l'accord du curé,mais les villageois n'apprécient pas la grande difféence d'âge et organisent un charivari.
Tous les jeunes de la commune munis de vieilles casseroles, chaudrons ou trompes et tambours ménent un énorme tintamarre devant la maison d'Adrien et de Catherine.
Pour faire cesser le tapage le couple offre à boire et donne des petites pièces.
Quelques mois plus tard....issu de cette union incestueuse le 18 mai 1850, Henri Ponthieu-Ponthieu, verra le jour pour la plus grande joie de ses parents.
Mais tout le village dèjà le surnomme : Henri d'Adrin.