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 parc

Henri se promène dans la rue.          



Alors que la bruine matinale de ce printemps 1865 dépose des perles brillantes sur sa vareuse Henri fend de petites bûches pour confectionner des ligots résinés destinés à allumer le feu.
Un charrette tirée par un chien s'arrête prés de lui. C'est Hector le rémouleur. De villages en hameaux il propose ses services. Le travail ne manque pas.

Une grande roue tourne derrière la carriole.Placé à l'avant,un tabouret où il va s'asseoir.




L'homme au regard ombragé par l'épaisseur des sourcils et par son chapeau plat porte un solide tablier de cuir. Les couteaux sont moult fois affinés et réaffinés en colportant les dernières nouvelles ...
     - Je viens de Pecq,on parle de notre nouveau roi Léopold 2.
Aussitôt un passant lui répond:
   -J'espère qu'il sera aussi bien que son père Léopold I de Saxe Cobourg. Lorsque la Belgique est devenue indépendante et s'est libérée des Hollandaiss on a fait une grande fête le jour où il a prêté serment.
  - J'ai lu dans la revue "La jeune Belgique" qu'il était marié avec Louise d'Orléans la fille du roi des français
  - La v'là veuve !
  - Et  vive le roi Léopold 2...crie une paysanne en présentant ses couteaux à aiguiser.
Les enfants participent à l'enthousiasme général, ils déambulent  autour de la roue qui tourne à grande vitesse sans protection.
  - Tu l'as déjà vu son fils ? Il a bien trente ans, c'tune grande asperge au nez immense !
  - Une barbe brune et des cheveux brossé comme un Autrichien!
  - Parait qu'il respire mal ?
   - Et qu'il traine la patte...
Dans la foule moqueuse quelques rires éclatent.
   - Ouais, y en a un qui va encor's'moquer de nous !
   - C'est Baud...? Baudelaire de Français excentrique !
   - Y dis déjà que les Belges ont le crâne vide
   -Et pourtant avec nos fonderies l'usine Belge tourne à plein régime, nos locomotives et nos tramways sont réclamés partout en Europe
    -Même le charbon on en sort plus qu'en Allemagne
  - Faut pas oublier nos chicons ! ajoute en riant le rémouleur
  Tous en choeur entament la Brabançonne.
  Venus de Courtrai les Flamands qui jusque là s'interpellaient dans un patois des Pays Bas ajoutent leur voix à l'exalation qui s'amplifie.
  Mais derrière le groupe un homme, le poing levé, la vareuse ouverte sur une vieille chemise de toile hurle sa colère:
  - Les ouvriers ont la vie dure, jamais de repos, la tuberculose et la famine font des ravages.
  - Moi je n'ai pas d'allumettes, pas d'eau courante et on se nourrit de navets bouillis
Autour de lui le rassemblement se fait silencieux. Henri qui a tout observé se dit que les adultes sont parfois étonnants.
De gros nuages noirs poussés par le vent viennent déverser leur charge pluvieuse  et pour un temps calmer les esprits.