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 parc

Henri est amoureux

      


  Sur la route qui descend vers l'Escaut,les derniers clients viennent de quitter l'auberge.
Jean Bapiste Duquesne et Henriette son épouse s'activent à remettre les tables en place. En jettant un oeil derrière la dentelle du brise vue Jean Baptiste annonce:
      - V'là qu'ça tombe à petits soldats !
      - Mo j'dis à gros bouillons, c'est pareil, ça veut dire demain y va encore pleuvoir !
     - Vêt s'ti qui vint !

Le tempo d'un cheval au trot se détache du bruit de la pluie qui tombe enfin sur le sol asséché de cette fin d'été 1878. Le martèlement des sabots se rapproche, ralentit de plus en plus, jusqu'à s'arrêter.
    - Cette fois j'vais en avoir le coeur net ! J'vais l'attendre ce fier cavalier qui passe chaque jour devant not cabaret comme s'il cherchait quéq'chose. Tu l'as vu toi, Henriette ?
    - Pardi Jean Ba tou di j'le vois ! pour un peu il rentre dans la pièce avec son cheval roux.
    - Quoi qu'il cherche, tu penses ?
     - Not' fille ! J'suis sûre ! j'en connais pas de plus belle dans tout le canton, faut dire qu'elle mettra bientôt une année de plus sur ses vingt ans.
    - Vingt et un ans , tu dis ?
   - Ben ouais , elle est bien née le huit janvier 1857 !
   - Tiens le v'là qui met pied à terre...Beau bestiau ! Solides jarrets ! Poitrail large...
   - Tu parles du gars ?
    - Non d'sa bête !
Sitôt descendu du cheval,Henri glisse les rênes par dessus la tête  de son alezan et les attache à l'anneau scellé dans le mur. D'un geste vif de l'épaule il ouvre la porte, réveillant brutalement le carillon.
Attirée par le bruit Silvie arrive dans la grande salle. Ses cheveux roux et bouclés jusqu'aux épaules,  mettent en valeur la pâleur de sa peau parcourue d'abondantes éphélides.Un brin de loucherie dans ses yeux verts tilleul offre à son regard un air tantôt rêveur, tantôt mutin.
La sihouette d'Henri occupe toute la porte. Ses cheveux blonds répandus sur le front ont pour seule limlite le bleu de ses yeux. La bouche fine est dissimulée par une moustache qui se prolonge en barbe taillée court d'où pointent quelques épis dorés. Le pantalon de drap beige et les bottes de cuir montant jusqu'aux genoux lui donne une allure de hussard.
Ne voyant que la jeune fille  il s'avance vers elle , jusquà la toucher au front sur lequel il pose un doigt. Doucement en dessinant un coeur ,il descend sur les joues de Silvie. La main râpeuse s'arrête sous la bouche:
    - Je veux vous épouser...
L'aveu tranquille et ferme dans cette voix d'homme passionné bouleverse Silvie , elle ne peut détacher son regard de la chemise collée par la pluie sur la poitrine de ce beau cavalier
   - Oh là ! les jeunes ! Nous z'ot on a peut être à dire, la mère et moi...
   -Oui, oui, bredouille Henri, je me présente : je suis Henri Ponthieu,  palefrenier chez le maréchal-ferrant et je vous demande la main de votre fille, jolie...comme une sainte vierge.
La jeune beauté relève la tête, son sourire extasié et ses yeux  inondés ne laissent aucun doute sur son accord.
Derrière eux le père se pose lourdement sur le banc..
   - Donne moi une chopine, la femme !
   -Moi aussi j'ai la tête à l'envers avoue Henriette.
Tous deux viennent de comprendre qu'ils sont impuissants devant l'amour et la détermination du jeune couple. 
  Dans le village  Catherine souriante et fiére annonce la  nouvelle en déclarant : c'est tout son père ,aussi têtu et amoureux ! 
Le mariage célébré en 1879 rassemble, pour la grande joie de sa mère, les derniers villageois qui se tenaient encore à l'écart d'Henri Ponthieu.
Le souvenir de l'inceste est noyé dans le repas de noce ,accompagné des éclats de rire des matrones et des vieillles commères, mais on continuera à les surnommer "les Adrin"