Catherine chez Madame la Comtesse.
Catherine généreuse et discrète accueille le jeune couple dans la petite maison où la cheminée de guingois semble se moquer de la grosse lézarde du mur de façade.
Leur bonheu r ne s'attarde pas à ces détails. Les cris joyeux des hirondelles se croisant sur un fond de ciel gris teinté de bleu et la petite fleur qui pointe à travers le toit de chaume les émerveillent.
Tous trois travaillent,les finances s'améliorent. Silvie passe ses journées dans l'estaminet de ses parents. Henri est maréchal-ferrant et hongreur.
Catherine remet son costume de bonniche à chaque demande de madame la Comtesse.
Au chateau de Warcoing, bourgeois et gros industriels se retrouvent pour de copieux soupers.
Tout est prétexte à faire la fête.
D'abord on salue les travaux de Léopold II : le plus grand palais de justice, les magnifiques serres de Laeken et L'Arche édifié pour les cinquante ans du pays.
Ce soir encore tous se retrouvent car le Congo a un nouveau souverain : le roi des Belges ! pendant le repas la conversation va bon train.
- Julien s'est engagé pour être missionnaire et evangéliser les indigènes !
- Mon Dieu, il n'a pas peur ? l y a encore deux cent cinquante tribus cannibales là bas !
-Faudra leur apprendre l'hygiène, la lecture et l'écriture...
-Oui, et les faire travailler ne sera pas facile !
Monsieur le comte intervient :
-Pour ma part je porte plus d'intérêt à l'or et à l'ivoire qui regorgent sur ce vaste territoire
-Allez tous au Congo ! regardez ceci !
De son gros portefeuille un invité sort une épaisse photographie et la présente à sa voisine.
-Mais c'est le directeur de la sucrerie ! il pose devant sa récolte de bananes,à coté de sa case où flotte notre drapeau Belge !
A l'autre bout de la table la châtelaine attire l'attention en racontant son passage à Bruxelles.
-En fiacre, j'ai traversé l'avenue Louise et la place de Brouckére ornée de magnifiques parterres fleuris.
Discrétement assise dans un coin de la salle à manger Catherine, vêtue d'une robe noire et d'un petit tablier aussi blanc que sa coiffe attend les ordres de sa maîtresse.
Ces histoires la laissent rêveuse. Bien sur le pays est prospère ,la richesse augmente,mais à la campagne où on passe de la chandelle au pétrole, la viande est seulement mangée le dimanche, et une partie du village vit dans la misère.
Quelques semaines plus tard, de retour d'Ostende la comtesse raconte les bains de mer :
-Assied -toi et écoute moi ! Je suis allée dans cette ville des plaisirs , j'ai vu l'hippodrome, le Kursaal et la digue large de trente mètres...A onze heures, c'est l'heure élégante,les nageurs en caleçon rayé barbotent et batifolent tandis que de lourds canassons mènent dans les cabines les plus prudes des baigneuses, c'est le pays des rois, je te dis ! Oh ! Catherine!tu n'es pas bien ?
Au pépiement succédent les cris :
-Vite, au secours ! Catherine se trouve mal !
Arrivés en courant les domestiques découvrent la petite bonne figée dans un sourire...elle vient de rejoindre pour toujours le pays des Rois