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Naissance de Prosper.          



Durant l'automne c'est Jean Baptiste qui atteint par la maladie quitte cette terre ,entouré de sa famille. Dans les derniers instants il se confie à son gendre:
     - Adieu Henri je t'aime bien, je pars en paix, sûr que tu prendras soin de Silvie, mais aussi d'Henriette, elle n'est pas toujous facile mais elle est brave...
     - Oui,père, je promets.
Le vieux rassuré, quitte ce monde laissant Henri coincé dans sa promesse...
Pour aider Henriette devenue grasse et nonchalante, le jeune couple accepte de s'installer dans deux pièces au dessus de la grande salle du café.
Ensemble ils porteront le chagrin des départs.
De nouveau on transporte sur la charrette la grosse horloge au pendulier de cuivre et avec elle le passé s'installe dans le bistrot, il prend place entre les clients...



 Les consommateurs nombreux les jours de marché, discutent en lisant la revue" La wallonie" qui les tient informés des émeutes du printemps 1886. Les grèves se multiplient, les usines sont saccagées , la troupe intervient avec brutalité. Aprés plusieurs jours de manifestation les dirigeants décident d'améliorer le sort du prolétariat. Différentes mesures sociales sont prises et le travail des enfants de moins de douze ans est interdit. Enfin, à la satisfaction de tous,  les billets de banque sont imprimés en deux langues: wallon et flamand.

La mère de Silvie ne s'intéresse pas du tout aux multiples événements mais intervient sans cesse dans la vie du couple, surveillant les faits et gestes de son gendre:
    -Où est henri ? Que fait-il ? Pourquoi est-il en retard ?
Le soir venu elle tend l'oreille, épiant le moindre bruit pouvant venir de la chambre du jeune ménage.
Le matin les propos sont irritants.
      -Ma pov'fille, t'as du mal à t'sortir du lit ! C'est Henri qui veut pas t'lâcher? Faut pas te laisser dominer par les hommes...
La jeune femme s'impatiente du caractère aigri et difficile de sa mère.

Quatre longues années se passent...
Même si elle s'en défend Silvie est obligée de reconnaître que la cohabitation ne réussit pas à l'entente de leur couple. Un duo ne se joue pas à trois.
Malgré l'installation dans la chambre  d'un petit lit à coté du grand, leur amour semble stérile,aussi elle décide d'aller prier aux prochaines rogations.
Sous l'égide du pape Léon XIII, pendant trois jours les paysans en procession parcourent les petits sentiers à travers champs. Avec prières et bénédictions ils espèrent obtenir protection et fertilité. Le cortège brodé et doré des aubes et des chasubles, des ostensoirs et des croix déambulent autour de l'Escaut.
Dans le ciel enfin bleu, le soleil se fait trés présent, presque trop.
Au dernier rang Silvie suit pieusement sans se plaindre de la canicule. Simplement elle libère les premiers boutons de son corsage et retrousse les manches le plus haut possible, en se disant qu'elle a bien fait de ne pas mettre ses  bas blancs ce matin. Occupée par ses pensées  elle ne remarque pas la présence de l'homme qui marche à côté d'elle depuis plusieurs minutes. Tout à coup il butte sur une motte de terre et trébuche. Rapidement il se relève, en secouant l'herbe accrochée sur la toile grise  de son  pantalon. La chevelure en fouillis, les joues creuses mangées par une barbe sauvage, un anneau doré accroché à l'oreille et un sourire charmeur captent l'attention de Silvie. Solides, les épaules se dessinent sous la chemise blanche ouverte sur le torse nu d'où émergent quelques poils. Une longue ceinture rouge lui serre la taille. Troublée la jeune femme reprend sa marche,mais son regard ingénu se lève sans cesse vers ce bel inconnu. En sifflotant l'homme rejoint le cortège qui  se disloque.

Les prières du deuxième jour sont commencées quand Silvie sent tout à coup la présence de l'homme, il marche très près d'elle. Sans un mot leurs bras se touchent, les mains se frôlent, s'enhardissent et se serrent. A la dernière bénèdiction il retire sa main et s'éloigne en sifflotant. Rougissant elle reprend le chapelet abandonné dans le fond de la poche.

Dés le matin du troisième jour la jeune femme est anxieuse...Et s'il ne venait pas ? Elle apporte un soin particulier à sa toilette et agrandit l'ouverture de son léger corsage. Aujourd'hui, monsieur le curé doit mener la procession dans le petit bois qui longe le canal. La  chaleur moite colle à la peau. En ce milieu d'après midi,le ciel qui devient sombre annonce l'orage.
Comme les autres jours Silvie est au dernier rang de la procession, elle espère"le" voir. Quand elle aperçoit de profil, les cheveux noirs et le pli moqueur des lèvres une bouffée de chaleur lui traverse le corps. " Vivement le passage dans le bois, l'ombre me fera un peu de fraicheur" pense t-elle.
Ils se regardent, le même désir est dans leurs yeux. Ils en oublient la marche qui continue sans eux et bientôt les ignore.
D'un glissement furtif derrière un taillis de chèvrefeuille ,ils se retrouvent enlacés, rapidement la longue jupe  est retroussée. L'odeur épicée de sa peau douce réveille le démon qui se dresse vainqueur dans les sens de l'homme.
Quelques minutes pour des années de souvenir...
Déjà il se relève en ajustant sa ceinture. Pour la troisième fois  elle le voit s'éloigner en sifflotant. Sa démarche balancée laisse flotter les longs pans de la ceinture rouge. Les nuages amoncelés libérent d'un seul coup une masse d'eau,des éclairs déchirent le ciel, le tonnerre gronde. Silvie se lève, heureuse de sentir la pluie couler sur son visage.

La voix perçante de sa mère l'accueille:
      -Tu rentres bien tard ! Pour échapper aux corvées ! J'ai lavé les verres toute seule !
Henri aussi l'attend, et lui raconte avoir vu ce matin même, la mésange en train de faire son nid:
      - L'oiseau construit son nid, en forme de bourse, suspendu à une branche ! C'est merveilleux !
      - Une cigogne blanche est passée avant l'orage, lui répond  la jeune femme avec un regard trop ingénu.
     -Mais ce sont deux bons présages, lui souffle t-il dans l'oreille.
La saisisssant par la taille il entraîne sa femme, sous l'oeil aigri de la belle mère.

Les saintes prières des rogations apportent leur fruit, neuf mois plus tard on l'appellera Prosper.