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 parc

Le gallodrome

Entre quatre bouleaux maigrichons un espace d'herbes fanées est cerné de toiles tendues sur des pieux.
Déjà les flamandes se bousculent et font résonner leur accent.

 Chaque concurrent retire le coq du sac qui le transporte et lui donne de l'eau fraîche.
  Il enduit la tête de la bête avec de la graisse de belette en espérant que l'odeur fauve fera reculer l'adversaire .
Aux ergots il adapte une aiguille d'acier de plusieurs centimètres, trempée dans l'acide elle provoquera des brûlures dans les plaies. Les coqs portent un numéro, on tire au sort les adversaires, les paris s'engagent entre les spectateurs. Alphonse échange plusieurs billets de francs Belges contre des tickets violets portant le numéro du coq qu'il désigne gagnant.
Avant de lâcher le volatile dans l'arène son propriétaire lui donne un sucre fondu dans du cognac. 
  Les bêtes s'épient  et brutal, le combat s'engage.
Un des rapaces, le plus lourd, l'oeil fixe et cruel, d'un bond s'approche du coq plus petit au plumage sombre parcouru de reflets bleuâtres. Accompagné d'un chant babrare, un élan les précipite l'un vers l'autre. Plusieurs assauts se livrent avec fureur, du sang jaillit dans une volée de plumes. 
  Chaque homme regarde son coq, les femmes poussent de petits cris de frayeur quand le plus costaud reçoit en pleine tête les lames d'acier qui lui crèvent les yeux, le choc, violent lui casse une patte, il se couche et meurt épuisé  dans des soubresauts convulsifs.
   - C'est fini ? Il est mort ?
Jules s'étonne de l'immobilité des spectateurs.
  - Non fieu, pour être déclaré vainqueur le coq doit tenir debout trois minutes, c'est trés dur, il est fatigué ! Vois la toupie pendue à la ficelle elle sert à marquer le temps.
  -Y sont méchants !
Tristement le jeune enfant s'éloigne. Il trouve une idée plus drôle que ce jeu stupide et invite un camarade :
  -Viens Gustin, nous zot on va faire le concours de c'ui qui jette sa caquette le plus loin !
  Quelques minutes plus tard Alphonse et son épouse retirent avec satisfaction le bénéfice de leur pari, comme d'habitude l'enjeu était important.
  - Tu as eu peur de perdre ma Jeanne ?
- Tellement peur ...vois mon mouchoir, tout mouillé, et ce n'est pas que la chaleur qui coule sur mon front !
- Il faut toujours que je joue c'est plus fort que moi ! Dieu merci je gagne souvent !
  - Tu fais le fier mon Fons... Tu es passé chez le barbier ce matin, il t'a fait la barbe courte et le poil propre ! Et ce foulard rouge autour du cou...tu fais exprès de le laisser descendre dans l'échancrure de ta belle chemise blanche pour que les filles admirent ta musculature , pas vrai ?
  - Sois pas jalouse ,viens écouter le chanteur...
Posé sur une charrette à trois roues, un orgue de Barbarie avale les bandes de carton perforé tendues par l'homme au large chapeau de paille et au gilet brodé d'argent brillant.
Une petite femme, la main posée sur l'instrument de musique égrène une chanson. Sa voix rude couvre les sons nasillards de l'orgue.
Les paroles légèrement égrillardes retiennent l'oreille des passants qui laisssent tomber trois sous dans l'escarcelle de la chanteuse quand elle les sollicite en ondulant le bas du corps.
            Sous un frêne un vieillard sommolent laisse les mouches s'agiter sur sa figure...
Main dans la main le couple arrive devant la table de la dentellière venue de Bruges.
Sur l'étal les tissus légers aux délicats dessins voisinent avec tout le beau linge de maison. Draps, nappes, rideaux et stores sont couverts  de dentelle.
Jeanne admire cette matière  mystérieuse élégante et si féminine.
  - Tu m'imagines... simplement couverte de celle ci ?
Rapidement elle applique la légèreté de l'étoffe sur un soupçon de peau du décolleté.
- J'en rêve ma magicienne ! Tu veux me piéger dans tes filets ? Je te l'offre , si, si prends cette dentelle et aussi cet éventail brodé !
Les yeux brillants accompagnent le sourire malicieux de la jeune femme.