Le déménagement
Quelques semaines plus tard d'importantes décisions sont prises par le couple.
L'estaminet des parents où Jeanne apportait son aide est maintenant fermement tenu par Adeline, la soeur d'Alphonse.
Elle a épousé Emile. Il est aussi long, maigre et mou de caractère que sa femme est petite, grosse, et autoritaire.
Jeanne supporte difficilement l'ambiance et se sent humiliée à servir les clients. D'un milieu petit bourgeois, la fille du tailleur de pierres à reçu une trés bonne éducation, elle parle parfaitement le Flamand et le Français et toute sa scolarité a été brillante. Elle aspire à un travail plus valorisant.
L'idée de quitter Warcoing pour se rapprocher du lieu de travail de son mari, fait son chemin dans leurs esprits. Mais la raison inavouée de Jeanne est qu'elle espère ainsi mieux controler l'inclinaison alcoolique de l'homme qu'elle aime. Justement à Roubaix une maison est à louer, rue de l'Alma. Grande batisse à la devanture modeste prolongée d'un jardinet elle occupe tout un angle de rue et domine une courée de maisons alignées.
-Tu vois Fons dans la pièce devant, on pourrait faire commerce...je pense à une épicerie, tu m'installeras des étagères...
- Oui, oui, l'idée est bonne, pendant le temps où Julot est à l'école, cela t'occuperas ! Viens on va lui dire au fils que sa prochaine école sera française !
La décisoin est prise.
Le déménagement s'organise avec l'aide des amis de Warcoing. Toutes les carrioles disponibles sont chargées. Sur l'une armoire et marmites, sur la suivante deux tables et six chaises, trois miroirs, et un petit fourneau à charbon de bois. De grandes toiles et couvertures sont jetées sur la cargaison pour la protéger des intempéries redoutées en ce début d'automne. Alphonse conduit la troisième charrette celle qui porte la vaisselle et les objets précieux. La couverture a glissé et laisse découvrir une grande horloge,celle du grand pére Adrien, des journeaux chiffonés bloquent son pendulier pour le temps du trajet. Le dernier chariot brinquebalant supporte l'amoncellemnent des lits et des matelas. Dés potron minet, la colonne des déménageurs s'est mise en chemin. A la queue leu leu tirée par les gros chevaux Ardennais la caravane fait route jusque Roubaix. En tête de cortège Jeanne et Jules sont installés dans une automobile jaune, à l'avant sur chaque garde boue est fixée une lanterne. Un marche pied en tôle noire donne accés à une double portière. La jeune femme a pris place à la gauche du conducteur qui répond avec fierté aux questions du gamin assis à l'arrière:
- Ce vieux modèle est une Citroën B 14, 45 chevaux ! Et regarde, s'il pleut pas de soucis...il y a un essuie glace !
En même temps il appuie fermement sur la trompe, provoquant un hurlement il crée la panique chez les oies qui se sauvent avec de bruyants battements d'ailes.
- Sales bêtes, pourraient faire attention, je roule à soixante kilomètres heures quand même ...
Arrivés à la frontière les premiers, Jeanne propose d'entrer dans l'estaminet pour attendre le reste du convoi.
Abandonné sur le coin d'une table un journal retient l'attention de Jules
- Oh tu lis le "Patriote illustré" mon gars !
-Surtout je vois cette belle dame et son bébé...
- Tu peux être fier ! C'est notre élégante princesse Astrid et son époux Léopold, elle tient dans ses bras leur petite fille d'un an Joséphine- Charlotte
Leur conversation est interrompue par l'arrivée bruyante de leurs amis. L'inspection faite, les douaniers présentent à Alphonse différents papiers à signer et autorisent le passage de tous les véhicules. Pour fêter la bonne nouvelle Alphonse paie une tournée générale aux douaniers et aux déménageurs.
Mais une autre formalité les attend.. Entre le bourg de Lys les Lannoy et Roubaix il faut s'arrêter au bureau de l'octroi et payer un droit d'entrée pour certaines matières, un petit cadeau est prévu en échange de la complaisance de l'employé.