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Guerre et mariage.


En 1942 les difficultés envahissent la vie quotidienne, les Français ont faim, l'armée Allemande interdit d'écouter la radio et aux Juifs de posséder un récepteur.
Répressive la Gestapo est partout, il y a tellement de dénonciations que chacun se méfie de son voisin. Les bombarbements fréquents obligent la population à se réfugier dans les caves transformées en abris. Aux premiers hurlements des sirénes, saississant un tabouret ou une couverture une dizaine de voisins accourent et envahissent le sous sol , craignant pour leur vie.
Paule est maintenant vendeuse "Au moulin Bernard", malgré les approvisionnements difficiles le magasin est un lieu de rencontre apprécié.
  L'odeur du café grillé, flotte encore dans l'imagination des clients, comme au temps où la torréfaction était journalière, à cela s'ajoute le charme de l'accent  ramené d'Amérique dans la valise de la jeune fille.



               Ce petit bout de femme à la voix aussi haut perchée que ses talons anime les conversations.  Il se raconte :
      -A Paris...la rafle au Vélodrome d'hiver
     - L'arrivée des ennemis dans le sud et le sabordage de la flotte à Toulon
     - Les autorités Allemandes exigeant des colombophiles la remise de tous les pigeons pour éviter qu'ils servent aux transports des messages.
     -L'échec des troupes alliées qui tentaient de débarquer à Dieppe.
Toutefois c'est dans l'arrière salle que se distribue discrètement le journal clandestin : La voix du Nord , et que s'échangent en secrets  les agissements de divers groupements de résistants: Le sabotage des rails, les vols d'armes dans les entrepôts Allemands et aussi la récupération de l'aviateur Américain dont l'avion s'est écrasé juste aprés qu'il ait sauté  en parachute . Accueilli et caché dans une famille roubaisiennne , un groupe de résistants organise son départ pour l'Angleterre.
                     De plus en plus amoureux les jeunes gens  décident de fixer la date du mariage.
  Toute la famille s'active à préparer l'événement.
   Durant l'été , Paule, sitôt la moisson terminée allait glaner dans les champs de blé.  Les grains séchés étaient ensuite  moulus dans le moulin à café puis tamisés. La farine obtenue, stockée dans les bocaux de grés  a fait la joie des charançons, pendant quelques semaines .
De ses voyages chez dame Catherine, Jules  a ramené dans une valise chargée sur le porte bagage  de son vélo, des pommes de terre. Soigneusement dégermées elles seront trés présentables. 
  A coté du poulailler, Charles et Denise apportent chaque jour aux lapins tenus en cage, l'herbe fraîche arrachée le long de la ligne de chemin de fer. Dans le jardin tomates et haricots s'arrondissent pour le grand jour.
  Le 12 juin 1943 aprés un rapide passage à la mairie et une petite messe la fête commence à Lys Lez Lannoy.  La maison ressemble à celle de Philadelphie.
  De connivence avec le soleil les hortensias du jardinet de l'entrée, rythment d'un bleu éclatant les marches de l'escalier.
La table de la salle à manger à été allongée face au grand portrait du général De Gaulle.
Les habits de cérémonie sortis des armoires témoignent des richesses des années passées. 
Parmi les  cinq hommes en chemise blanche cravatée haut, Alphonse se différencie par le satin gris de sa lavallière assortie au gilet. Nerveusement il tire sur sa cigarette faite de feuilles de tabac coupées
     - Plus une seule saint Michel  a trouver, dit -il en montrant son vilain mégot.
Arrivés la veille les parents d'Arthur, sont assis dans la grande pièce et saluent tous les invités. Agé de soixante seize ans Louis Dumoulin a fière allure dans sa veste de drap blanc. Légèrement soutenu par Julienne, la rondelette soeur de Berthe il se lève  et dépose  devant les jeunes mariés trois bouteilles de saint Emillion.
Souffrant de rhumatismes, Marie Silvie, son épouse reste assise, les mains croisées elle arbore sur sa robe de soie mauve un jabot de dentelle auusi blanc que ses cheveux et un grand sourire serein.
  Le trés joli collier de perles fines qui descend le long du cou de Berthe ne suffit pas à effacer l'air sévère avec lequel elle déclare :
            -Mes enfants, en ce jour de fête ayons une pensée pour mes parents au ciel.
Si la déclaration chagrine les invités elle ne les empêche pas de sourire à l'événement du jour.
Tapotant ses pieds sur le sol Arthur s'impatiente devant la maladresse de sa vieille tante Héléne, maigre ,petite et aussi nerveuse que lui. Les bras chargés de roses et de lys blancs elle ne voit pas que les étamines de ces  fleurs royales laissent leur poussière orangée se répandre sur la nappe...
Les yeux bleus clairs et la finesse de la bouche mis en valeur par le blanc soyeux de son chemisier, Jeanne timidement apporte le vin blanc.
La jeunette Denise s'émerveille devant sa réalisation : la table qu'elle a élégamment couverte d'une nappe fleurie :
        - Oh ! Les amoureux ! Avez vous vu les assietttes de porcelaine et la finesse des verres ?
Rayonnants de bonheur les jeunes  mariés se tiennent enlacés, Jules de plus en plus chaleureux passe le bras sur l'épaule de son épouse qui s'empresse de lui saisir la main.
       - Tu es la plus belle des mariées ! ma petite rousse ...
Les yeux de Paule brillent autant que sa tunique de soie. Dans la blancheur du tissu finement nervuré elle a fixé la délicatesse rose d'une guipure en forme de camélia.
Assorties au collier, deux petites perles fines soulignent les oreilles et accentuent la lumière des cheveux ramenés joliment en un  large cran au dessus du front.
Oubliant la guerre la joie s'est invitée au mariage. Le chat lève sa petite tête et miaule de contentement.
Arthur a déployé ses talents de cuisinier et d'ingéniosité pour organiser un excellent repas , en  se jouant des nombreuses pénuries.
  Tous admirent le gâteau au moka généreusement garni de crème au café, surmonté d'une rose en pâte d'amande , et applaudissent quand Jules brandit comme un trophée une bouteille de Champagne.
Les laissez- passer accordés pour ce soir retardent l'heure du couvre feu, et les conversations se prolongent. Les soucis du quotidien se mêlent à l'espoir de paix.
  Tard dans la nuit les parents de Jules accompagnent le jeune couple jusqu'au seuil de leur nouveau domicile. Juste en face de chez eux .
       - Une aubaine ! dit Jeanne, exprimant le bonheur qu'elle ressent à habiter prés de son fils.
.      - Oh ! Oui  mère ...répond docilement la jeune épousée.

                                                                                              

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