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 parc

Mille huit cent nonante sept.


Les événements sont rares dans ce petit village d'Ecaussine en Belgique, mais il est des nuits et des jours qui laissent des souvenirs.
Le soleil est levé depuis un moment, Victor porte encore sur sa chemise et ses sabots les traces sanglantes des dernières heures.
Ce qui ne l'empêche pas de sentir la faim le tenailler.



  Un peu nerveux, il s'habille, quitte la maison et se dirige vers la boulangerie. S'il ne connaissait pas l'endroit, il pourrait se laisser guider par l'od'eur,l'odeur chaude, prenante, appétissante...
Trés vite, il aperçoit le mur de l'échoppe où est entassé le bois de boulange qui servira à chauffer le four. Il pousse la petite porte vitrée, un léger carillon signale sa présence.
Au fond de la pièce, à coté du fourneau, est placée une grande pelle, sur la sole des pains achèvent leur cuisson, dans une claie posée sur la table les  miches refroidissent.
Un peu plus loin, sur le paillon d'une chaise, un chat couché en rond miaule brièvement...D'un pas rapide , arrive la jeune boulangère, ses cheveux blonds tressés laissent échapper trois boucles sur le front, ses yeux bleus pétillent de malice. Elle a joliment attaché avec deux petits rubans le haut de son tablier sur sa robe mauve,une ceinture de satin noir lui serre la taille et dessine le rebondi de ses hanches, un grand sourire achève son accueil.
             - Bonjour Victor ! Alors quoi de neuf ?
            - Oh ! Fille que ! Bonjour Adèle, ben , çà y est, c'est...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase, un bruit énorme et de plus en plus fort, comme une explosion à répétitions, se rapproche.
Dans la rue c'est une cacophonie de chevaux qu'on ne plus retenir et de cris de femmes apeurées.
La porte s'ouvre sous le poids  d'un corps. Victor et Adèle inquiets mais  curieux s'approchent...
Ils voient passer une carriole tonitruante. Assis sur le devant, un homme le visage couvert de poussière ,tient très haut un volant entre ses mains.

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La voiture passe à grande allure ne laissant derrière elle qu'un épais nuage de fumée, des  étincelles et une forte odeur de gaz. Petit à petit le bruit s'éloigne. Adèle et Victor se regardent ébahis, mais Adèle le presse de questions :
           - Alors, Victor, c'est quoi ? Comment çà s'est passé ? 
Victor a tout à coup les yeux brillants de larmes : 
          - Ben , c'est ma Céline, elle a profité du soleil des loups, elle m'a fait un petit bout de fille, elle est pas bien grosse, elle doit pas faire ses six livres !
        - Bravo, le père, mais tu l'as laissé seule ?
          - Non , non, les compères  sont arrivés,  ils sont prés d'elle !
Quelques clients sont entrés, les embrassades et les éclats de joie succédent au tohu- bohu.  Tous parlent en même temps, et bientôt on ne sait pour quelle raison on se réjouit : la naissance  de Jeannne ou le passage de la première automobile. Les deux évènements étant étroitement liés, plus tard on dira :
- Jeanne est née avec la Panhard

-   Soleil des loups  : c'est ce que disait les paysans en parlant de la pleine lune
  - Les compères : sont le parrain et la marraine.