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Arthur à la guerre.


Suite des lettres
         ...30 Octobre 1914
" L'armée allemande n'est pas loin. Une dizaine de boches aux sales calots gris à bandes rouges sont passés à cheval , sans nous voir, nous étions cachés dans un fossé.

  Dans l'urgence il nous faut creuser des tranchées, munis de pelles et de pioches nous nous relayons. Hier nous avons trouvé des couvertures dans une maison saccagée, nous les avons prises car les nuits sont de plus en plus fraîches. J'espère obtenir une permission pour Noël mais la guerre sera peut être finie.
              20 Décembre
" Toutes les permisions sont annulées, nous vivons dans les tranchées et ne recevons que de la nourriture froide, du singe en boîte ! Effrayé par le survol d'un avion prussien je me suis caché au fond du boyau, le canon tonnait, puis il y a eu une pluie d'obus. Dix soldats de ma compagnie sont morts, touchés au crâne, depuis il faut franchir les corps pour entrer. Un soi disant renfort est arrivé, ce sont des Sénégalais, pas habitués au froid, plusieurs ont eu les mains gelées pendant leur sommeil"
              Février 1915.
  " Pas de nouvelles du Nord depuis de longues semaines, j'espère que cette lettre vous parviendra.
   Les manteaux longs et épais ne suffisent pas à nous protéger du froid. Les mitrailleuses crépitent sans  répit, le canon 75 a été mis en batterie, chargé, il est prêt à tirer. Nous surveillons la progression des casques à pointe, les Allemands sont nombreux. Je pense maintenant que la bataille sera rude, même inutile. J'ai appris le bombardement de Reims, ma chère Berthe je prie pour que cette guerre t'épargne"

  A Roubaix le maire Jean Baptiste Lebas est arrêté par les forces d'occupation car il a refusé de donner la liste des jeunes de dix huit ans à envoyer en Allemagne comme travailleurs de force.
    Pendant plus d'une année aucune lettre ne parvient à Berthe.
En 1916 c'est par le journal "l'Illustration" que la jeune fille suit attentivement les événements.
  L'Allemagne reprend l'offensive, tandis que l'armée française qui défend la forteresse de Verdun se trouve débordée le 21 février par les tirs de l'artillerie allemande, les grenades et les lances flammes.
  Le "Journal de Roubaix" relate la résistance de deux bataillons de chasseurs à pieds, l'envoi des renforts dans la fournaise et la perte en vingt quatre heures de quatre vingt pour cent de leurs effectifs. Sur les murs de la ville, les Allemands affichent leur force et placardent de bonnes nouvelles: les voies ferrées sont dètruites, les troupes allemandes bien pourvues en obus, mortier de tranchées, canons, et leurs soldats bien alimentés. La victoire semble proche.
Dans une lettre datée du 25 février, le soldat raconte :
  "Il faut re-creuser chaque nuit les abris et les  tranchées détruites  par l'artillerie ennemie, nous courons à travers les arbres sous la neige qui tombe drue et les éclairs d'éclatement d'obus. Nous avons applaudi quand un avion Allemand abattu est tombé prés du camp, pourtant ce n'est pas dans mon caractère de me réjouir de la mort d'un homme.  Le ravitaillement est déchargé rapidement à même la terre, on attrape ce qu'on peut. Les premiers arrivés sont les mieux servis, depuis deux jours je n'ai pas eu de chance, j'espère m'alimenter à la prochaine relève, si tout va bien..."
            Enfin...en mars une bonne nouvelle:
  " Les bleus de la classe 1916 arrivent, une permission de détente m'est accordée pendant sept jours ! Sept jours prés de toi, ma Berthe ! Je n'osais plus y croire ."
         Suivent deux jours de marche avec tout le barda sur le dos et un inconfortable voyage en train.
  La jeune fille qui l'attend à Roubaix reconnaît difficilment le jeune homme fringuant quitté il y a plusieurs mois.
  Une capote trop grande cache les jambes du soldat et le fait paraître encore plus petit,. La brosse dure des sourcils au dessus des yeux noirs accentue la maigreur des joues et donne au visage une sévérité qui remue le coeur de Berthe.
Arthur découvre les difficultés  de la vie quotidiennne des civils. Rusant avec le rationnement en pommes de tere, farine, riz, haricots et lard, la jeune fille a préparé un petit repas pour son amoureux. Le café remplacé par l'orge perlé a la saveur des retrouvailles et comble du raffinement le soldat reçoit en cadeau un bout de ce savon devenu si rare.
Les journées sont trop courtes pour les jeunes gens et le soir Marie Silvie attend impatiemment le retour de sa fille.
Au moment du départ Arthur essaye en vain d'essuyer les larmes de sa bien aimée, lui même est submergé par le chagrin.

   Le 18 avril 1917 le journal  publie avec deux jours de retard la bataille du Chemin des Dames.
  " Le commandant Robert Nivelle dirige les manoeuvres, entre Vimy et Reims soixante divisions d'infanterie se dirigent sur la ligne de front.Les Anglais sont envoyés sur Vimy, les troupes françaises  partent sur le Chemin des Dames.
  Les mitrailleuses allemandes cachées dans des abris en ciment armé attendent sur le haut du plateau l'offensive lancée à six heures le 16 avril. La pluie incessante rend le terrain boueux, la progression des fantassins est difficile; ils sont chargés : couverture roulée dans une toile de tente, deux musettes, l'une contenant des vivres pour six jours, l'autre bourrée de grenades. La terre retournée par les obus se dérobent sous les pieds des soldats qui tombent, se relèvent et rechutent à nouveau. Sur la pente raide du Chemin des Dames les assaillants ne peuvent pas se protéger, ils sont fauchés, mitraillés par l'ennemi. Les chars lourds accompagnant l'artillerie restent prisonniers du terrain marécageux."
   Les familles Dumoulin et Debruyne échangent les maigres informations fournies par le retour des blessés. Berthe surveille les listes des noms apposés à l'entrée de la maison communale.  Rien sur Arthur.
  En première page sur " Le petit journal de Roubaix" du 15 mai, les Roubaisiens apprennent que le commandant Nivelle accusé d'incompétence, est remplacé par Philippe Pétain à la tête des armées.
  Ce qui n'empêche pas sur le front les actes de désobéissance, les troupes ne veulent pas retourner à l'assaut, les offensives prévues sont ajournées pour cause de mutinerie.
    Fin mai au petit matin l'armée allemande a recours aux obus à gaz. L'échec est cuisant. Les pertes sont lourdes .Les survivants se rendent.
  Quelques uns dont Arthur ont échappé au massacre  et se sont cachés derrière un char démantelé...