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 parc

Alphonse rencontre Jeanne.


La fine bruine matinale qui recouvre l'Escaut et les premiers frimas de ce début d'automne incitent Alphonse à pédaler un peu plus vite.
  Par les sentiers il va de Warcoing à Ecaussine.
  Son oncle Léon est vannier et  réclame l'aide du gamin.

 C'est le momment de couper les pousses de l'année, celles de l'osier et des saules, qui envahissent le pré humide et mal entretenu.
  Dés qu'il aperçoit la maison basse aux murs de briques rouges, le gamin surpris met pied à terre.Des bottes d'osier empilées nagent dans d'énormes cuves où flottent parmi les vers, les larves et les insectes d'eau. L'odeur de bois mouillé apporte un morceau de forêt.



 
Assise sur le rebord d'une cuve où trempent de longues tiges souples , une jeune fille en robe blanche rayée de vert et aux cheveux d'or retenus par un ruban rouge, lui sourit.
Alphonse dépose le lourd vélo sur un pan de mur et retire sa casquette aplatie.
       - Bonjour ! je viens voir l'oncle Léon !
      - Entre là,il t'attend !
  Et de la main elle désigne la pièce qui sert d'atelier à côté de la maison.
Assis sur un coffre en bois, le vannier tient serré entre ses genoux le cadre et l'anse d'un panier, sans lacher les branches qu'i est entrain de tresser:
     -Salut, fieu ! Content de te voir, m'sembl t'as grandi , non ?
      -Je vais sur mes quartorze ans...
    - Tiens , aide moi, prends dans la cuve les tiges les plus fines et ne t'en fais pas pour les larves de moustiques qui  s'agitent dans l'eau stagnante! 
  Derrière eux un petit rire moqueur...
    - Toujours à rire la Jeanne ! C'est la fille du tailleur de pierres, elle m'apporte des chaises à rempailler !
  D'un geste rapide la jeune fille arrache la dernière tige de géranium rouge encore en fleurs dans la grosse potée et tend au jeune homme ce reste de l'été.
  Puis elle l'observe.  Il n'est pas trés grand, elle le dépasse d'une tête, un peu rond, des cheveux blonds et ras, il resssemble aux garçons du village.
Pourtant certains détails attirent son attention : les oreilles petites et décollées vers le bas, une tâche de rousseur sur la joue gauche et une petite fossette au creux du menton donnent un peu de personnalité au timide garçon. Embarassé Alphonse accepte le cadeau de cette grande fille aux yeux bleus, très clairs, presque trasnparents. Mais il ne peut détacher son regard de la jolie bouche et des joues roses qui se creusent animées par un large sourire.
  - Oh! les jeunes venez par ici, faut bouger les paniers ! Ici les corbeilles à linge, là les paniers plats pour les légumes et pour vendre les oeufs au marché et plus loin les plus petites pour le pain.
  L'homme vêtu d'une large veste bleue ouverte sur une épaisse chemise de lin beige, reprend son travail. Il pose le bois flexible sur son genou protégé par un chiffon, fait glisser le couteau bien affuté sur les longues baguettes et construit un savant tressage. Une fois terminé, le panier a une belle couleur jaune clair;  les enfants admirent l'artiste et sa création.
         - Maintenant il faut le laisser sécher pendant trois jours ! Viens mon gars, on va couper!
Jeanne avant le départ de son nouvel ami lui glisse à l'oreille:
            - Je voudrais qu'on se parle un peu tous les jours...
           -Oui...on a la vie devant nous, lui dit -il en baissant les yeux.
Le vannier emmène son neveu en bordure du chemin dans un bosquet de bouleaux où l'automne a déjà défeuillé la ramure gracile, et coupe d'un seul coup de serpe les tiges dociles, en fait un fagot qu'il charge sur l'épaule.
        - Toi petit, tu fais comme moi, mais avec les herbes souples, les joncs. Voici le couteau pour cueillir les baguettes et tailler les cannes dans les rejets de taillis, ensuite tu enlèves l'écorce avec le dos du couteau.
Sur le chemin du retour l'adolescent se souvient de Jeanne, du rayonnement de son humeur joyeuse.
Il en oublie ses courbatures et respire au creux de sa paume le parfum du géranium qu'il froisse dans sa main...